AccueilSystème de soinsDépendancePour un grand service public de l'autonomie.

Pour un grand service public de l’autonomie.

Le député communiste Pierre Dharréville a déposé une proposition de loi demandant une reconnaissance sociale des aidants. Il est soutenu en cela par les associations du secteur.

Vous avez été chargé par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale d’une mission flash sur les aidants. Quel a été votre constat ?

Selon la Drees (derniers chiffres publics connus), les aidants étaient 8,3 millions en 2008. En 10 ans, cette réalité a nécessairement augmentée. Ils se répartissent pour moitié entre actifs et retraités. Pour les uns comme pour les autres, la situation est épuisante. Beaucoup ont des problèmes de santé, matériels, financiers. Il arrive aussi souvent que les aidants meurent avant les aidés. Le plus grave à mes yeux est que tout le système de prise en charge de nos ainés est basé sur la culpabilité des familles. Il va de soi que l’on doit s’occuper de ses parents âgés, de son conjoint atteint d’Alzheimer mais on ne donne pas aux français les moyens de le faire.  Cette situation n’est plus possible. Elle est intenable. Il faut aider les aidants.

Que faudrait-il faire ?

Les mesures à prendre tiennent en trois points : donner du temps aux aidants en rendant effectif le droit au répit (développer, par exemple, le baluchonage -des personnes s’installent au domicile de la personne dépendante quand les aidants sont en vacances-, les lits d’accueils temporaires en nombre trop restreints…), procurer des ressources aux aidants et enfin leur proposer un accompagnement et un soutiien collectif par le biais, entre autres, de la formation, d’une simplification des droits… De nouveaux métiers sont à créer. Au delà, avec le vieillissement de la population, il faut mettre en place un grand service public de l’autonomie. 

Vous avez déposé une proposition de loi pour un congé aidant rémunéré

En effet, combien d’aidants peuvent prendre des congés pour soutenir leurs proches âgés sans percevoir de revenus ? Je propose un congé pour aidants d’un an rémunéré et fractionnable car ces derniers ont besoin de souplesse :  un jour par semaine par exemple pour accompagner la personne âgée à l’hôpital, une semaine par trimestre… des durées ponctuelles, parfois et très souvent, non prévisibles.  Actuellement ce n’est pas possible. Il faudrait aussi favoriser le travail partiel choisi et le télétravail. La durée du congé de proche aidant limitée à un an au maximum sur l’ensemble de la carrière reste insuffisante. Il est proposé de fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée.

Ce revenu pourrait être de combien ?

Le montant de l’indemnisation pourrait être identique à celui de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) soit 43,14 euros par jour. cette allocation serait perçue pendant toute la durée du congé, sauf lorsque le proche aidant est employé par la personne aidée bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handiap (PCH). C’est bien sûr nettement insuffisant. Il s’agirait d’envisager une montée en charge progressive.

On va vous rétorquer que cette mesure coûtera de l’argent dans une période où l’on cherche des économies à tout prix.

Le coût d’aidants épuisés, malades, ou simplement absents est bien plus importants pour la société entraînant des hospitalisations, des placements en Ehpad pour les aidés, des arrêts maladies et des pathologies physiques et psychologiques pour les aidants… Rémunérer les aidants, c’est un investissement. On sait aujourd’hui que le travail bénévole, informel des aidants familiaux peut représenter entre 12 et 16 milliards d’euros, soit de 0,6 à 0,8 % du Pib. Ce n’est pas normal. Disons le clairement : les personnes aidantes fournissent un travail gratuit qui vient au mieux en complément, au pire en palliatif d’une réponse publique qui n’est pas à la hauteur.

Combien de personnes pourraient utiliser un congé rémunéré ?

On l’a chiffré autour de 30 000.

Et s’il n’est pas donné suite à votre proposition de loi ?

On ne fera pas l’économie d’un débat sur cette question. Avec le vieillissement de la population, ce problème va devenir explosif. Les associations ne s’y trompent pas. La LDL, l’APF, l’Unapei, l’Unaf, les Mutuelles de France, l’Association Française des aidants, la Fédération des aidants et bien d’autres soutiennent cette proposition.

Il faudrait alors imaginer un mouvement citoyen sur la question des aidants ?

Ce n’est pas à moi de le dire… Mais je pense qu’il viendra oui…

Anne-Marie Thomazeau
Rédactrice en chef adjointe du magazine Viva, Anne-Marie Thomazeau est spécialisée dans la protection sociale et l’économie de la santé.

LES DERNIERS BILLETS