« Le climat, le féminisme, l’antiracisme animent les jeunes en France », Agathe Le Berder, du collectif Jeunes diplômés de l’UGICT-CGT

Fin 2021, le Collectif Jeunes diplômés de l’UGICT-CGT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens) a interrogé ses membres sur les freins et les motivations à s’engager dans un syndicat. Agathe Le Berder, membre de la commission exécutive de l’UGICT-CGT et chargée du collectif, nous présente les observations issues de ce questionnaire.

Qu’est-ce que le collectif des jeunes diplomés de l’UGICT-CGT ? 

Au sein de la CGT, il existe plusieurs collectifs jeunes. On en trouve dans certaines organisations interprofessionnelles ou professionnelles. Le collectif des Jeunes diplômés de l’Ugict a été relancé en mai 2019. Notre groupe whatsapp compte environ 150 personnes, syndiquées ou non. On se voit également une fois par mois environ lors de réunions. Le collectif permet de partager des conseils pratico-pratiques sur nos mandats : ce qu’on fait quand on se sent méprisé par son patron en réunion, les ressources existantes auprès du collectif ou en nous pour dépasser ces moments difficiles etc. L’objectif étant de donner confiance aux jeunes, les mettre en contact avec d’autres personnes et les encourager à se lancer dans les élections. 

Quelle est la genèse du questionnaire envoyé aux jeunes diplômés ? 

Le collectif a été invité à intervenir durant le 19e congrès de l’UGICT-CGT qui s’est tenu à Rennes en novembre 2021. Pour préparer cette intervention, nous avons envoyé un questionnaire aux membres du groupe WhatsApp. Nous leur avons demandé quels étaient les freins et les leviers de leur syndicalisation. Ce sujet constitue le fil rouge de notre action. L’idée est de comprendre les difficultés rencontrées pour les dépasser et aussi de créer des outils pour aider les camarades à aller à la rencontre des jeunes sur leur lieu de travail, notamment les ingénieurs, cadres et techniciens, qui spontanément ne se syndiquent pas nécessairement à la CGT. 

Qu’a révélé cette prise de pouls ? 

Les freins qui empêchent les jeunes de se syndiquer sont nombreux. D’abord, certains sont victimes de discrimination ou d’oppression syndicale. Lors du Congrès de Rennes, un camarade a témoigné être devenu la cible de son employeur après s’être syndiqué. D’autres vivent des situations de sexisme, de racisme ou d’homophobie au sein d’organisations ou lors de manifestations. D’autres encore déplorent que leurs camarades soient réfractaires aux outils numériques. Et puis, il arrive que des jeunes syndiqués soient rapidement sollicités pour prendre plusieurs mandats. Sauf que cela peut être impressionnant au démarrage de son activité syndicale et ces jeunes ne se sentent pas toujours suffisamment outillés ou accompagnés pour cela. La précarité des contrats en début de carrière (CDD, période d’essai très longues pour les cadres…) et le fait que les jeunes en début de carrière changent régulièrement d’employeur compliquent aussi la syndicalisation. A chaque changement de fédération, c’est tout un lien syndical qu’il faut recréer. D’où l’enjeu de bien les accompagner pour trouver leur organisation. 

Malgré ces freins, des jeunes diplômés souhaitent s’engager et militer dans des syndicats. Pourquoi ? 

Plein de causes animent les jeunes en France aujourd’hui : le climat, le féminisme, l’antiracisme. Il y a aussi la question des jeunes et celle du travail. Quand on commence sa carrière, même avec un diplôme qui nous protège sur le marché du travail, on rencontre des injustices : précarité, différence de salaires entre femmes et hommes, remarques sexistes racistes homophobes… Autant de situations qui révoltent les jeunes. De plus, ils veulent jouer un rôle sur la transformation de nos modes de production et l’organisation du travail pour faire face à la catastrophe climatique. La question du sens du travail est importante pour beaucoup d’entre eux. Enfin, de nombreux jeunes se sont engagés au moment du projet de réforme des retraites de 2019 (réforme reportée, ndlr).  

Couverture du tract « Féministe au travail et dans nos vies » réalisé par l’UGICT-CGT.

Pour tous ces enjeux, le syndicat est-il, selon vous, le bon endroit pour lutter, plus que l’association ?  

Le syndicat est au cœur du travail, qui accapare nos vies. On y passe plus de 8 heures par jour, davantage pour les cadres. C’est d’autant plus vrai pour les jeunes puisqu’on attend d’eux qu’ils fassent leurs preuves. On consacre un temps considérable au travail. Sans pour autant avoir les clés sur ce qu’on fait concrètement ou sur les stratégies. L’UGICT-CGT propose des outils pour avoir un impact et changer les choses dans les entreprises et les administrations. Par exemple, sur la question climatique. L’UGICT a publié un Manifeste pour la responsabilité environnementale et sur le rôle des techniciens, cadres et ingénieurs. Sur la question féministe, on a produit le tract  « Féministe au travail et dans nos vies« . Et puis, militer dans un syndicat et une association ce n’est pas contradictoire. Cela révèle d’ailleurs l’importance de l’offre militante. Il faut montrer que le syndicat présente des avantages. Cette forme de militantisme part du travail et des conditions de travail, quand par ailleurs la CGT propose un maillage territorial et professionnel très dense.

Les questions de santé sont-elles des motifs d’engagement des jeunes ?  

Dans notre collectif,  il y a de jeunes soignants ou administratifs dans la fonction publique hospitalière qui évidemment sont très mobilisés sur les questions d’accès aux soins. Ainsi que sur la reconnaissance de leurs qualifications et de lutte pour l’amélioration de leurs conditions de travail. 

S’agissant des questions de santé, pour notre catégorie spécifique au sein du salariat, les problèmes les plus importants auxquels nous faisons face en début de carrière sont les risques psychosociaux, en lien entre autres avec les violences sexistes et sexuelles sur le lieu de travail, les méthodes brutales du management et les conflits de valeurs (notamment en ce qui concerne les questions sociales et environnementales). Avec le collectif on cherche à faire retrouver du pouvoir d’agir à nos camarades sur ces questions. 

Alexandra Luthereau