«Notre société va être profondément bouleversée par cette crise », estime Thierry Beaudet, président de la Mutualité française

Thierry Beaudet

Le président de la Mutualité française, Thierry Beaudet, a tenu à rappeler le rôle de la Mutualité comme acteur de santé avec ses 2 800 structures mutualistes (centres de santé, Ehpad…) impliquées sur le terrain en cette période d’épidémie.

Comment la Mutualité répond-elle à la crise qui frappe aujourd’hui notre pays ?

C’est notre rôle historique d’acteur de soin de répondre présent dans cette crise. Cela fait partie de notre Adn. La Mutualité française et les mutuelles sont au rendez-vous pour soigner, prévenir et accompagner nos adhérents, les entreprises, mais aussi l’ensemble des Français nécessitant des soins. 

Comment son offre sanitaire et médico-sociale s’est-elle engagée pour maintenir l’accès aux soins des plus fragiles ?

Dans cette crise sans précédent, nos 2 800 établissements et services mutualistes se sont engagés pour soigner les malades du coronavirus, mais aussi pour maintenir l’accès aux soins des plus fragiles et les accompagner à domicile. Des milliers de salariés mutualistes sont sur le terrain chaque jour en première ligne auprès des Français, dans nos hôpitaux, cliniques ou centres de soins, nos Ehpad, ou à domicile auprès des personnes en perte d’autonomie ou encore dans nos crèches. Nous sommes fiers de nos soignants et de l’ensemble de nos personnels. 

La priorité de la Mutualité française est aussi d’assurer une continuité des droits pour les 35 millions d’adhérents protégés par les mutuelles et en particulier les plus fragiles. Nous avons ainsi obtenu que les droits à l’Acs soient prolongés de trois mois – jusqu’à fin juillet – si les contrats venaient à terme sur la période.

Les mutuelles s’engagent également à mettre en place un socle commun de dispositifs avec la prise en charge des arrêts de travail déclenchés pour les personnes vulnérables, ainsi que le maintien des garanties et des prestations en cas de chômage partiel en prenant les indemnités de chômage partiel comme assiette des cotisations appelées.

Pour les entreprises ou travailleurs non-salariés en difficulté, les mutuelles conservent en garantie les contrats et accompagnent au cas par cas les demandes pour suspendre ou reporter les versements.

L’impact sera-t-il important dans le domaine de la prévoyance ?

A ce jour, même si nous observons comme l’assurance-maladie un fléchissement des flux de remboursement, il est trop tôt pour évaluer les conséquences économiques de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Certaines dépenses augmentent ou vont augmenter, comme les dépenses hospitalières ou les tests de dépistage, et d’autres baissent, comme les dépenses d’optique ou dentaire et enfin des dépenses vont être reportées. Et il y aura peut-être une aggravation des pathologies du fait des reports. Enfin, en raison des difficultés de la période, nous pourrons aussi avoir des impayés. Nous ne pouvons pas mesurer aujourd’hui tous les effets cumulés que va engendrer la crise actuelle. 

Les assurances vont participer au fonds de solidarité nationale à hauteur de 200 millions d’euros. La Mutualité pourrait-elle aussi y contribuer ?

« à ce jour, les mutuelles ont mobilisé plus de 150 millions d’euros à travers leurs différentes initiatives : appels anti-solitude, plateforme d’entraide, soutien psychologique via un numéro vert disponible 7 jours sur 7 pour les soignants, hotline dans les EHPAD, facilités de paiement, maintien et extension de garanties… »

Les mutuelles protègent aussi ceux qui rencontrent le plus de difficultés avec notamment la mobilisation de fonds d’aide sociale mutualiste qui permettent de répondre aux situations individuelles les plus graves.

Par ailleurs, La Mutualité française participe, aux côtés de l’assurance-maladie obligatoire, aux réflexions et initiatives de soutien aux professionnels et établissements de santé, dans le cadre de travail annoncé par le ministre des Solidarités et de la Santé.

Pour vous, que révèle cette crise sur notre système sanitaire et particulièrement sur l’état de l’hôpital public ?

Notre société comme notre économie vont être profondément bouleversées par cette crise qui est la plus importante que le monde a connue depuis 1945.  Elle doit nous pousser à regarder et réinterroger avec lucidité le fonctionnement de notre monde, ses dérèglements, pour mieux penser la vie. La recherche, la santé, le développement durable doivent être au cœur des politiques publiques à venir.

Cette crise a aussi apporté la preuve de l’utilité de notre système de santé et de protection sociale qui joue un formidable rôle d’amortisseur. Elle montre cependant la nécessité de les renforcer structurellement avec toutes les ressources nécessaires.

Quelles seront les conséquences à en tirer ?

Concernant l’hôpital et les professionnels qui y exercent : déjà fragilisés, ils vont devoir faire l’objet d’une attention particulière. Cela devra se traduire par un plan d’investissement massif.

L’organisation des soins, entre la ville et l’hôpital, sera aussi à réinterroger, tout comme le recours à l’hôpital public avec une utilisation plus optimale des ressources du privé, en particulier du privé non lucratif. Nous pouvons aussi faire mieux concernant les soins à domicile ou encore le médico-social.

Une autre conséquence à tirer de cette crise concerne la prévention des crises sanitaires et notre souveraineté à produire des médicaments ou des masques. Ces sujets devront être au cœur de nos réflexions afin d’éviter les situations de pénurie et de dépendance étrangère. 

Ne serait-ce pas l’occasion de repenser le financement de la protection sociale ? Et de la dépendance ?

Après une trajectoire de retour à l’équilibre, les comptes sociaux vont de nouveaux être déficitaires. Avant de vouloir revenir à un équilibre, il faudra se poser sérieusement la question des moyens à investir pour l’hôpital et revaloriser les carrières des professionnels de santé qui vivent une épreuve sans précédent. Mais la question ne sera pas seulement financière, la crise montre bien les enjeux d’organisation entre médecine de ville, l’hôpital et le médico-social.

Quant à nos aînés, ils sont les premières victimes de cette crise sanitaire. Ils doivent être traités avec la plus grande des attentions. La loi sur le grand âge est plus que jamais essentielle.