Patrick Julou, administrateur de la FMF : « Militer pour l’accès à la vaccination dans les pays défavorisés est au cœur de notre mission mutualiste »

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Administrateur de la Fédération des mutuelles de France (FMF) et président de la mutuelle Mutami, Patrick Julou revient sur l’engagement de la FMF dans la campagne « Pas de profit sur la pandémie ». Déterminée à lever les brevets sur les vaccins contre le Covid, cette initiative citoyenne européenne entend casser le monopole détenu par l’industrie pharmaceutique pour résoudre les problèmes d’approvisionnement à l’international.

Depuis près d’un an, les Mutuelles de France militent en faveur de la levée des brevets sur les vaccins. Pourquoi la fédération s’est-elle engagée auprès de cette initiative citoyenne ?

Patrick Julou : Comme nous avons pu le constater depuis le début de la pandémie, le virus n’a pas de frontière et la lutte contre le Covid-19 doit être menée à l’échelle mondiale. Or, les pays défavorisés n’ont toujours pas accès aux campagnes de vaccination. Sur le continent africain, seuls 2 à 4 % de la population a pu être vaccinée. Nous savons que la levée des brevets sur les vaccins permettrait d’étendre considérablement la couverture vaccinale, mais les industries pharmaceutiques s’y opposent farouchement. Plus le marché est resserré, plus les entreprises peuvent en effet gonfler leurs prix et faire du profit, à l’image des doses Pfizer qui sont récemment passées de 15,50 euros à 19,50 euros. Les Mutuelles de France tenaient à s’engager dans ce débat, car l’accès aux soins est au cœur de l’engagement mutualiste et nous ne pouvons pas continuer de regarder Big pharma se gaver en pleine crise sanitaire sans rien faire.

« Se donner bonne conscience en distribuant quelques vaccins par charité est loin d’être suffisant pour lutter contre la pandémie mondiale. »

Patrick Julou, administrateur de la Fédération des mutuelles de France.

Comment vous mobilisez-vous pour obtenir le million de signatures nécessaires à la prise en compte de votre demande par la Commission européenne ?

P. J. : A l’échelle de la fédération, nous communiquons régulièrement notre engagement en faveur de cette initiative citoyenne et nous diffusons le lien vers la pétition via nos newsletters et nos réseaux sociaux. Nous invitons également toutes les mutuelles partenaires à défendre cette action. Au sein de la mutuelle Mutami, dont je suis président, nous rappelons par exemple les enjeux de la suppression des brevets à l’occasion de nos prises de parole en public, et nous apportons systématiquement une tablette pour inviter les participants à signer. Si la France a aujourd’hui recueilli 41 400 signatures, soit 74 % du seuil nécessaire à chaque pays, il reste encore plusieurs centaines de milliers de signatures à récolter avant le mois d’août 2022 pour pouvoir espérer une législation européenne. La mobilisation continue. 

Dans le précédent article que nous consacrions à la levée des vaccins, Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fédération des mutuelles de France, appelait nommément le président de la République Emmanuel Macron à signer l’appel. Quelle est la position du gouvernement sur cette question ?

P. J. : Le gouvernement reste opposé à la levée des brevets et aucun débat national n’est pour le moment engagé. 

Plus de 2,2 milliards de doses de vaccins doivent-être distribuées aux pays défavorisés par la coalition internationale Covax. Cette solution ne serait-elle pas plus rapide et efficace qu’une loi ?

P. J. : Se donner bonne conscience en distribuant quelques doses par charité est loin d’être suffisant pour lutter contre cette pandémie mondiale. Fin septembre, seuls 122,5 millions de vaccins étaient arrivés à destination. Les pays engagés dans cette annonce ne sont même pas en mesure de fabriquer suffisamment de doses pour tenir leurs promesses. La seule solution serait l’autonomie vaccinale. Faire que le vaccin puisse être produit massivement, en combattant le monopole détendu par les grands groupes pharmaceutiques grâce aux brevets. Il est important de rappeler que la recherche médicale bénéficie toujours de financements publics, et que les laboratoires touchent systématiquement de l’argent de l’Etat pour leurs recherches. Puisqu’elles sont financées par les contribuables, ces avancées doivent bien évidemment bénéficier au plus grand nombre.

Propos recueillis par Capucine Bordet

Pour soutenir et signer l’initiative citoyenne européenne, c’est ici : https://noprofitonpandemic.eu/fr