Selon l’Ined, les discriminations pénalisent l’accès aux soins d’une partie de la population

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Les discriminations au sein du système de santé peuvent constituer un obstacle aux soins pour les personnes socialement défavorisées en raison du sexe, de l’immigration, de l’origine ethnique ou de la religion. En utilisant les données de l’enquête Trajectoires et Origines (TeO), Mathieu Ichou, chercheur à l’Ined, et Joshua Rivenbark, doctorant à l’école de médecine de l’Université de Duke (États-Unis), montrent que certains groupes d’immigrés et d’enfants d’immigrés sont plus exposés à des expériences de discriminations, et que ces expériences peuvent constituer un obstacle à l’accès aux soins, contribuant aux inégalités de santé.

Comparé à la plupart des pays, le système de santé français offre des niveaux élevés de qualité et d’accès aux soins. L’assurance maladie a une couverture obligatoire et universelle, et elle comprend des services de santé financés par l’Etat pour les étrangers en situation irrégulière résidant en France. Ce contexte national, dans lequel toute la population devrait avoir accès aux soins de santé, offre un cadre intéressant pour l’examen des disparités sociales en termes de discriminations dans les soins. Dans cette étude, la mesure de la discrimination dans le système de santé repose sur la perception d’avoir été moins bien traité que les autres patients (refus de service ou qualité de soins inférieure).

«Les données permettent d’observer des taux de discriminations significativement plus élevés pour les personnes appartenant à des groupes minoritaires ou défavorisés socialement : les femmes (4,7 %) par rapport aux hommes (3 %) ; les immigrés (4,8 %), les personnes nées en outre-mer (5,9 %), les migrants venant d’Afrique sub-saharienne (7,1 %) et de Turquie (6,8 %) par rapport aux personnes nées en France métropolitaine (3,6 %)»

Des liens entre discrimination et non-recours aux soins

Avec une augmentation moyenne de 14 % de la probabilité de renoncer aux soins ultérieurs, les cas de non-recours aux soins apparaissent étroitement liés aux discriminations lors de soins passés. Les personnes qui en sont victimes peuvent être plus réticentes à demander des soins, car elles peuvent le percevoir comme un risque accru de discriminations et par conséquent être plus susceptibles de retarder ou de renoncer à des soins futurs. En comparant les groupes défavorisés et les groupes de référence, la discrimination explique une proportion statistiquement significative de la disparité dans le non-recours aux soins. Pour les personnes d’origine africaine subsaharienne (par rapport aux personnes nées en France métropolitaine), les discriminations expliquent un tiers des non-recours au soin. Ce chiffre est d’environ un quart pour les musulmans (par rapport aux chrétiens) et d’un sixième pour les femmes (par rapport aux hommes). Bien que cette proportion expliquée par les discriminations est plus faible pour les femmes que pour certains autres groupes, le fait qu’elles constituent la moitié de la population est significatif de l’ampleur de cet effet au niveau de la société française.