Télétravail : attention aux risques psychosociaux

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) organisait une table ronde sur la prévention des risques psychosociaux dans le cadre du télétravail © 123 RF
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) organisait une table ronde sur la prévention des risques psychosociaux dans le cadre du télétravail © 123 RF

La crise sanitaire a démocratisé le télétravail. Bénéfique aux salariés sur certains aspects, il peut aussi présenter des risques psychosociaux à l’origine de graves problèmes de santé. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) organisait fin avril une table ronde autour de la question.

Il y a cinq ans à peine, le télétravail était encore une notion floue. Le progrès des technologies de l’information et de la communication l’a favorisé. Jusqu’à ce que la crise sanitaire l’impose. Selon une étude de la Dares (Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques), en 2017, 3 % des salariés travaillaient à distance au moins une fois par semaine. Au plus fort de la crise, de mars 2020 à mars 2021, ce taux est monté à 25 %.

Un danger pour la santé mentale, physique et sociale

Bénéfique à plusieurs titres pour les salariés, le télétravail présente aussi des dangers pour leur santé mentale, physique et sociale. Les prospections estiment que d’ici 2050, 30 % à 50 % des actifs seront en télétravail. Or, aucune législation sur le sujet n’est encore prévue. Pourtant les risques psychosociaux (RPS) que peuvent entraîner cette nouvelle façon d’être au travail existent. À l’occasion de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) organisait le 28 avril 2022 une table ronde autour des RPS et de leur prévention avec quatre expertes sur le sujet.

Vidéo de la table-ronde de l’INRS sur les risques psycho-sociaux dans le cadre du télétravail.

Risques psychosociaux

D’après une enquête de la Dares, 14 % des salariés en télétravail de mars 2020 à mars 2021 ont connu une dégradation de leurs conditions de travail. Exercer son activité professionnelle depuis son lieu de vie peut s’avérer pernicieux. Et engendrer des risques psychosociaux à prendre au sérieux. Valérie Langevin est experte d’assistance conseil à l’INRS. Elle rappellait la définition des risques psychosociaux. « Les RPS sont des situations de travail où l’on retrouve, combinés ou non, du stress, des violences externes, sous forme d’agressivités extérieures tournées vers les salariés. Et des violences internes. Donc des problèmes de tensions à l’intérieur de l’entreprise ou entre plusieurs équipes ». Rapporté par l’ensemble des télétravailleurs, l’un de ces risques sort du lot : le stress lié à l’augmentation de la charge de travail. 

Isolement des salariés

Médecin du travail et experte médicale dans les risques physiques et psychosociaux, Marie-Anne Gautier en a détaillé certaines causes. « La complexification des interactions sociales et la difficulté d’utilisation des outils numériques peuvent compliquer l’accès aux informations. Certains salariés ont aussi du mal à structurer leur journée depuis leur domicile ». Le deuxième risque prégnant est l’isolement des salariés pour lesquels le lieu de travail est un espace de sociabilisation important. Les RPS ne sont pas anodins. « Le stress généré par des situations de travail peut engendrer des maladies cardiovasculaires, des troubles musculo-squelettiques, des atteintes à la santé mentales comme des dépression, des burn out. Et dans les cas les plus dramatiques des conduites suicidaires ». Alors comment l’entreprise peut-elle prévenir les RPS ? 

En vidéo : Webinaire de l’INRS sur la réglementation du télétravail.

Le manager, un acteur déterminant dans la prévention des RPS

Pour Valérie Langevin, « les managers ont un rôle déterminant » dans la prévention des RPS au sein de leurs équipes en télétravail. L’experte a rappelé neuf conseils élaborés par l’INRS à leur attention.

  • Evaluer la charge de travail,
  • donner de l’autonomie aux salariés,
  • soutenir les collaborateurs et les conseiller,
  • leur témoigner de la reconnaissance,
  • donner du sens au travail,
  • agir face aux agressions externes,
  • communiquer sur les changements,
  • faciliter la conciliation entre le travail et la vie privée
  • et bannir toute forme de violence. 

Pour déceler les signaux faibles, le manager doit aussi être attentif à chacun. « Un salarié qui répond moins vite aux mails qu’à l’accoutumée, qui ne met plus sa caméra au cours des visioconférences ou qui a des problèmes dans sa vie privée » doit être d’autant plus soutenu, a indiqué Marie-Anne Gautier. 

Identifier les facteurs des risques psychosociaux

Être à même de repérer ces signaux passe par un apprentissage. Des formations intitulées « Repérer, accompagner et aller vers un salarié en difficultés » sont notamment disponibles pour les managers. Pour prévenir les RPS, il faut aussi identifier les facteurs de risques auxquels sont exposés les salariés. L’INRS en a établi six catégories, dont certains étaient rappelés par Valérie Langevin  : « Un rythme de travail et de production élevé, des objectifs flous ou contradictoires, ne pas avoir suffisamment de marge de manœuvre dans la manière d’organiser son travail, ne pas pouvoir bénéficier d’entraide de la part de collègues ou du manager ».

Un processus à co-construire

Psychologue du travail à l’Ametra06, un service de prévention de santé au travail dans les Alpes-Maritimes, Eloïse Maillardet constate que les entreprises qu’elle rencontre ont mis en place une démarche de prévention des RPS globale, qui comprend une évaluation des facteurs de risques, ainsi que des chartes et des guides du télétravailleur. Mais pour que ce processus soit viable, il faut « le co-construire dans une démarche d’amélioration continue », a-t-elle estimé.

Manon Gauthier-Faure