« Union pour la santé » : les leçons de la crise Covid-19

Jocelyne Leroux © Fabrice Mangeot
Jocelyne Leroux © Fabrice Mangeot

Le Parlement européen a adopté récemment le programme EU4Health (« Union pour la santé ») visant à rendre les systèmes de santé européens plus résilients, à traiter les menaces sanitaires transfrontalières, et à rendre les médicaments et dispositifs médicaux plus accessibles. Ce programme, mis en place suite à la pandémie de coronavirus, est doté d’un budget de 5,1 milliards d’euros. Jocelyne Le Roux, administratrice de l’Association internationale de la mutualité (Aim), et membre du Comité économique et social européen (Cese) jusqu’en 2020, nous livre son analyse.

Quelle était la politique de l’union européenne en matière de santé avant la pandémie ?

La santé n’entrant pas strictement dans son champ de compétence, l’Union européenne (UE) menait jusqu’alors une politique de santé conforme à ce que les traités lui permettent. 

Son rôle est complémentaire de celui des États qui gardent la maîtrise de l’essentiel des actions dans ce domaine. Formellement, la commission européenne propose, tous les cinq ans, un programme d’actions doté d’un budget soumis ensuite à ses différentes instances (Conseil européen, Parlement) et aux États membres. Le dernier programme adopté s’est terminé en 2020, EU4Health prend la suite et s’étale sur la période 2021-2027.

Ce nouveau programme répond-t-il aux exigences du moment ? 

Sur ce point, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. EU4Health est certes doté d’un budget de 5,1 milliards d’euros, en très forte progression par rapport aux programmes précédents qui culminaient péniblement autour des 300 millions d’euros, et il faut saluer cette progression. Mais on peut souligner aussi qu’il s’agit finalement d’une manière assez modeste de répondre aux défis de la pandémie actuelle, car, les sommes annoncées restent en deçà des besoins et ne représentent que 0,8 % du budget de l’UE. A titre de comparaison, la France consacre à la santé 208 milliards d’euros par an, soit 11,8% de son budget. 

Quelles sont ses qualités et ses limites ?

Ses limites sont clairement liées au niveau des montants mobilisés. Il suffit de les mettre en regard des ambitions du programme auxquelles, par ailleurs, on ne peut que souscrire. Selon ses auteurs, EU4Health  devrait combler les lacunes que cette pandémie a révélées en termes de développement et de fabrication de médicaments, de fourniture d’équipements adéquats dans les hôpitaux et de ressources humaines médicales suffisantes, d’adoption d’outils et de services numériques permettant la continuité des soins, et de nécessité de maintenir l’accès aux biens et services essentiels en temps de crise. L’UE disposerait ainsi d’outils supplémentaires pour prendre des mesures rapides, décisives et coordonnées avec les États membres, tant en ce qui concerne la préparation que la gestion des crises.

Concrètement, au terme du processus de validation du programme, une série d’appels à projets dotés de subventions seront lancés dans le courant de 2021. Les États membres, les organisations du secteur de la santé et les Ong pourront candidater.

Malgré la faiblesse des moyens annoncés, EU4HEALTH est une avancée, comme l’a été la démarche européenne commune de commande de vaccins. Assiste-t-on à la naissance d’une Europe de la santé ? 

Ce sont de timides premiers pas guidés par l’ampleur des conséquences de la pandémie. L’image d’États membres ayant tous rétabli des contrôles aux frontières, face à un virus qui n’en a cure, est de ce point de vue, assez saisissante. Le Covid joue à saute-frontière et seule, une réponse forte, commune pouvait en limiter l’impact. La décision de coordonner les commandes de vaccin allait dans le bon sens, mais elle était insuffisante. Et si la commission européenne a pêché parfois par manque d’anticipation et de fermeté, les égoïsmes nationaux y sont aussi pour beaucoup. Cela dit, si cette crise devait apporter des enseignements à la construction européenne, ce serait, à l’évidence, d’œuvrer pour renforcer la coopération entre Etats. 

La pandémie et ses conséquences ouvriraient alors la voie à une Europe plus solidaire et plus humaine. Mais le chemin est encore long.

Propos recueillis par Louis Michel

https://ec.europa.eu/health/funding/eu4health_fr

ENCADRE

« La pandémie nous a enseigné des leçons dures, il faut agir et nous ne pouvons pas revenir à la normalité de ce qui était avant, a déclaré la commissaire à la Santé Stella Kyriakides lors d’un débat au Parlement Européen. Nous sommes prêts à lancer la première action, qui sera un soutien à la production et à la distribution des nouveaux vaccins. » Pour la première fois, l’Union devrait être en mesure de constituer des réserves de matériel médical et de personnel de santé — y compris des médecins volants —, lesquelles pourront être déployées en temps de crise, là où ces ressources seront les plus nécessaires. « Avec EU4Health, nous voulons pouvoir compter à tout moment sur les équipements de protection, les médicaments et les dispositifs médicaux nécessaires et garantir qu’ils soient abordables et innovants » affirme-t-elle.