Vers une mise en sécurité sociale « intégrale » de la population

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« Articuler Sécurité sociale et Mutualité, poursuivre l’idéal au quotidien » : c’était le thème de l’un des ateliers de travail du Congrès des Mutuelles de France à Brest, piloté par Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fédération et Pierre-Yves Chanu, économiste, conseiller confédéral de la Cgt, vice-président de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), membre du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fédération des mutuelles de France, a introduit la matinée de travail sur l’articulation entre Sécurité sociale et complémentaires santé, rappelant que c’est dans un cadre universel que la solidarité peut s’exercer de la manière la plus forte. Pour cela, « il faut s’appuyer sur le couple Sécurité sociale – une Sécurité sociale au plus haut niveau –, et sur la mutualité. Car puisque la solidarité nationale ne prend pas tout en charge, il est nécessaire d’avoir un complément mutualisé, qui soit lui aussi solidaire et non assurantiel ».

Or, et Pascale Vatel le déplore : « La Sécurité sociale est, depuis des années, la cible d’attaques d’autant plus pernicieuses qu’elles sont aujourd’hui moins visibles par la population. » Quant aux mutuelles, les différentes mesures comme l’Ani, « véritable cheval de Troie dans les entreprises », ou la résiliation infra-annuelle visent à banaliser et à marchandiser leur activité.

Comment réorganiser un système solidaire plus juste, plus efficace pour les populations, articulant Sécurité sociale et complémentaires ? Le sujet est urgent et d’autant plus d’actualité que le Haut Conseil de l’assurance maladie est chargé de plancher sur cette question autour de quelques scénarios : mise en place d’un bouclier sanitaire, d’un système à trois étages avec les deux premiers niveaux Sécurité sociale et complémentaires réglementés et un troisième niveau livré à la marchandisation, séparation des gros et petit risques… Autant de pistes qui inquiètent les Mutuelles de France et la Cgt, car elles rompent avec la vision universelle et solidaire de notre protection sociale.

Pour l’économiste, il existe de nombreuses batailles communes à la Cgt et à la mutualité ouvrière. Des batailles immédiates, comme celles de lutter contre l’affaiblissement de la Sécurité sociale, par exemple sur la prise en charge des dépenses de santé.  «Le remboursement moyen n’est plus que de 50 %, même s’il est masqué par la montée des prises en charge à 100 % des Ald. Quant au Rac 0, c’est une imposture qui va s’accompagner d’un effort plus important des assurés sociaux par les complémentaires. »

« Les centres de santé doivent devenir dominants dans notre système de soins », pour Pierre-Yves Chanu

Pierre-Yves Chanu rappelle que les ordonnances de 1945 qui ont créé la Sécurité sociale ont donné une place aux mutuelles dans la construction de solidarité nationale. Il aborde les nombreux points cruciaux sur lesquels la Cgt est en phase avec les Mutuelles de France : le financement de la Sécurité sociale, d’abord, par la cotisation et non par l’impôt : « Le Cice a fait baisser par deux la part employeur à la Sécurité sociale, tandis que la part de la Tva augmentait de manière incroyable et finance aujourd’hui un quart de l’assurance maladie. » La Cgt, comme la Mutualité d’origine ouvrière, estime aussi qu’il faut faire contribuer les revenus du capital au financement de la protection sociale.  La prévention et l’éducation sanitaire, ensuite, deux secteurs sur lesquels « la mutualité est en capacité de jouer un rôle plus important », affirme Pierre-Yves Chanu, tout comme dans la transformation de notre système de soins vers un maillage dense et de proximité avec des hôpitaux locaux ou des centres de santé comme ceux de la mutualité. « Les centres de santé doivent devenir dominants dans notre système de soins. Ils sont plébiscités par les jeunes médecins. »

« Le système solidaire doit élargir son périmètre pour répondre à des nouveaux besoins et apporter dEs réponses rendant effectif le droit à l’autonomie. »

Les participants à l’atelier ont largement été mis à contribution pour réfléchir aux rôles respectifs et complémentaires que la Sécurité sociale et la Mutualité pourraient être amenées à jouer ensemble sur les risques sociaux et les nouveaux enjeux afin de permettre une « mise en sécurité sociale intégrale de la population », selon les mots de l’économiste. Il pointe les questions de l’ubérisation, de la dépendance, de l’assurance chômage, de la Sécurité sociale professionnelle,  de la perte d’autonomie et de l’environnement. « Sans oublier la jeunesse qui souffre beaucoup, ajoute Pascale Vatel. Le système solidaire doit élargir son périmètre pour répondre à ces nouveaux besoins et apporter des réponses rendant effectif le droit à l’autonomie. »

Dans la salle, de nombreuses pistes de travail et de développement pour les mutuelles sont avancées : prévention autour des questions d’alimentation et d’environnement, accompagnement de la population de l’enfance jusqu’au grand âge, information et promotion de la santé, rôle d’offreuses de soins et d’actrices d’innovation. Les mutuelles doivent aussi, tout les participants en conviennent, nouer ou renouer des partenariats avec le secteur associatif, l’économie sociale et solidaire et les syndicats.